Les chemins de transhumance

Recueil de poésie de Nathalie Picard, sorti en 2012.

Ecrit il y a près de vingt ans, mais ô combien actuel, fidèle témoin de son temps et de ses ferveurs, ce recueil est une évasion lyrique et spirituelle dans le monde effervescent d'une jeune femme en quête de Liberté.

Date de publication
01/12/2012
Nombre de pages
92
Prix
12.0 Eur
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Préfaces
La haute voie
Nathalie Picard
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La haute voie

Nathalie Picard

Avec l’énergie de la harangue qui précède le chant, avec l’énergie de la cavalcade qui précède l’envol, suivre la haute route qu’empruntaient les bergers pendant la transhumance et les résistants pendant la guerre. La haute route de la poésie.

Les chemins de transhumance sont des poèmes de plein vent.

Je dis cela pour les avoir lus ou dits dans des endroits divers : sur la passerelle du Pont des Arts, dans un café bondé, sur un chemin de campagne, dans un hôpital psychiatrique, dans une cave à poèmes, dans un hangar, debout sur un banc, debout sur un bidon d’huile, debout : ils m’ont toujours portée. Leur force incantatoire m’a toujours soutenue. Mais quand j’avais cherché à les faire publier je m’entendais dire « trop politique », « trop romantique », « trop éloquent »…

Une version primitive, longue de deux pages seulement et titrée L’hébergé est parue dans les cahiers du sens 1993. Quelques extraits d’une version proche de celle-ci sont parus dans ces mêmes cahiers 1994, édités par le Nouvel Athanor, qu’il en soit ici remercié.

Puis le temps a passé.

Il y a des textes auxquels on reste attaché. Les chemins sont de ceux-là. J’en ai toujours gardé un morceau en tête. C’est quelque chose qui résonne encore pour moi comme un chant d’amour à la poésie.

Je n’ai pas patienté sans rien faire et c’est en écrivain qui a mûri que je vous présente ce texte d’un assez jeune auteur. Je le regarde maintenant avec la tendresse que l’on éprouve face à l’énergie de la jeunesse qui ne s’arrête pas pour penser que c’est en se brûlant qu’elle reprend le flambeau.

Il y a ce « je » qui vient comme une scansion, au point de pouvoir blesser quelques tympans. On entend comme il jouit d’avoir trouvé la parole et comme il tente de communiquer cette jouissance à tout ce qu’il touche. Ce « je » qui n’est pas ma voix seulement mais qui est la voix des choses qui me traversent poétiquement, la voix de l’arbre, la voix de l’oiseau, la voix de l’enfant. Ce « je » naïf qui peut s’entendre comme un cri, je vous demande de l’accueillir comme on accueille un étranger qui aurait fait une longue route pour venir à vous.

Il a fallu attendre de rencontrer Reza Hiwa et de lire sa charte1 pour que ce texte jamais totalement oublié me revienne à l’esprit.

Un éditeur qui a pour premier geste de faire une charte, cela n’est pas courant. Une charte poétique et éditoriale qui n’a pas peur d’être engagée dans le monde et qui emploie, pour annoncer la couleur, des mots comme : Homme, Pont, Ouverture, Vie… Voilà qui me plaisait bien. Et quand on connaît Reza, on sait que derrière ces mots, il y a quelque chose, il y a quelqu’un, il y a du répondant.

Alors oui, je m’enflamme de nouveau, et je me sens très honorée, car venant d’une terre où la poésie, ça n’est pas rien, Reza nous accueille, poètes, comme si nous en étions dignes.

Je dresse ici ma tente, je vais y faire paitre mon troupeau de mots ; pas mécontente que mon chemin un moment s’arrête là.

Ça valait bien vingt ans de quarantaine.

Un troubadour nommé Picard
Reza Hiwa
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Un troubadour nommé Picard

Reza Hiwa

Je voulais qu’on me laisse grandir J’ai grandi comme une plante irradiée

Une jeune femme qui à 5 ans fait sa première manif sur le balcon de chez elle, ne se soumet ni à l'irradiation ni à l'esclavage. Son choix est gravé en elle :

Il me faudra reprendre le crayon, j’en suis à présent sûre Pour refaire ce trait qui précède les mots J’ai voulu dessiner la forme d’un cri

J'ai connu Nathalie Picard il y a quelques années mais je l'ai découverte en lisant la jeune femme de vingt ans plus tôt, la rebelle débordante d'énergie. Rebelle, elle l'est toujours et de l'énergie elle en a à revendre. L'élan lyrique Des chemins de transhumance n'en est qu'une démonstration. Depuis longtemps j'attendais cette poésie, sans le savoir. Je l'ai lue comme on boit à la fontaine après une soif trop prolongée.

Vingt ans se sont écoulés mais Nathalie n'a pas quitté la bataille.

J’ai choisi la pensée Je pense à la souffrance.

On me disait toujours ceci: "Un jour, l'union de ceux qui souffrent donc ils pensent et ceux qui pensent donc ils souffrent nous libérera." Nathalie fait parti de ce complot. Crayon aiguisé en bandoulière, elle est l'exemple de ce troubadour moderne qui arpente les quartiers de banlieue, ces villages abandonnés des seigneurs, pour y semer la poésie et arroser l'espoir qui résiste.

J’ai assisté à l’effondrement de l’homme dans la perte d’un seul espoir

Je réponds à ces vers:

Elle cherche l’ascension de l'Homme Dans la naissance d'un seul espoir

Et c'est plus ou moins ainsi qu'on s'est redécouvert avec l'auteur. Je théorise dans la Charte Editoriale du Tripadour ce qu'elle défend tous les jours depuis des années: l'accès à la culture et à la poésie pour tout le monde ; la place de l'oralité dans la transmission culturelle ; la nécessité que la poésie ne soit plus intimidante... Quand elle m'offre son manuscrit me disant que la lecture de cette charte l'a reprolongée dans son texte, trop longtemps endormi, je ne savais pas quoi répondre.

Décrire Les chemins comme une œuvre rebelle est une réduction sémantique. Pour la première fois en Europe je trouve une poésie aux accents orientaux si forts qu'elle me faisait penser sans cesse à Hafiz. L'élan mystique de Nathalie qui met une distance entre le poème et la réalité pour laisser de la place à la poésie du lecteur est d'une force et d'une élégance sublimes.

Comme les pigeons voyageurs Qui ne sauront jamais lire le message qu’ils transportent Nous portons en nous l’énigme Que la vie tient scellée Et que la mort efface.

Nathalie Picard, cette indienne de demain, est une chance pour la poésie française, aussi bien pour sa production que pour sa diffusion. Le fait qu'elle ait choisi la maison Tripadour pour offrir ce bijou est un honneur. Un grand honneur.

Ne laisse pas ta pensée se faire constituer prisonnière Une question cruciale est en train de refaire son chemin En notre âme et conscience Une question d’amour.

Reza Hiwa 25 Novembre 2012

Extraits
Dans les jardins suspendus...
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Dans les jardins suspendus...

Dans les jardins suspendus Je marche comme dans un rêve A la quête d'une fleur que je rendis nécessaire En espérant son parfum. Je n'écoute pas la rumeur du monde J'écoute les saisons.

Sur ma table de chevet...
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Sur ma table de chevet...

Sur ma table de chevet Au lieu d'une chandelle Un livre veille Un livre que l'on ne lit pas.

J'ai désappris à comprendre le sens caché des mots Je rêve d'un livre qui soit comme un jardin : Le jardin du poète.

L'avant-garde est tombé...
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L'avant-garde est tombé...

L'avant-garde est tombée. Nous, fer de lance Sommes restés les enfants de la poésie.

Quand je pense aux millénaires qui transformèrent la géométrie des continents Je sais que nous aurons besoin de bien du temps.

Nous nous retrouverons sans plus rien de commun avec nos frères Nous, les indiens de demain Le corps des animaux parle le même langage que nous.

Faudra-t-il que tout cela s'achève avec les mots-masques

Quand ceux-là s'abattront.

Dans la forme de mon écriture...
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Dans la forme de mon écriture...

Dans la forme de mon écriture Quelqu'un saura peut-être voir Déployée comme une fougère arborescente La forme de mes poumons-pigeons-paon Fleur éclose de mon arbre à perruque.

à l'oiseau porte-plume j'ai arraché une patte avec laquelle j'ai tenté d'écrire.

Pauvre bête.

Poète

Je suis née le 11 octobre 1962,

dernière d’une fratrie de six, élevée comme on tourne une page. J’avais 5 ans en mai 1968. Je ne savais pas écrire et j’avais cru qu’on était à cette époque de l’histoire où on allait abolir l’école, comme on avait aboli l’esclavage. On dansait sur le balcon en chantant "les manifs, les manifs !" Ce rêve fut de courte durée.

L’écriture m’a rattrapée à l’âge de 25 ans. Elle ne m’a plus quittée depuis.

J’aime dans la poésie l’oralité. J’ai participé à de nombreuses lectures publiques. J’ai écrit pour des musiciens, des danseurs et des peintres. Certains de mes textes figurent dans des catalogues d’exposition. J’ai participé, depuis ses débuts, il y a plus de vingt ans, à la revue "les cahiers du sens". J’ai publié à ce jour trois recueils de poésie.

J'exerce le métier de kinésithérapeute.